Pour déjouer l’ennui
Pour déjouer l'ennui
Comme tu vois je n'sais pas c'que j'dois faire Toute mes larmes, tous mes doutes, dois-je les taire ? Tout m'avale, tout fait mal tout m'atterre Comme un con oui j'avoue que j'espère
Les moments de sommeil qu'on attend dans la nuit Quand on reste éveillé pour déjouer l'ennui
Et les amants se touchent sans aucun remord Je suis seul, je me couche sur mon mauvais sort Ton odeur dans mes draps, mon dernier trésor Sous mon oreille dort un rêve multicolore
Les moments de sommeil qu'on attend dans la nuit Quand on reste éveillé pour déjouer l'ennui
Je ferai un autre tour de magie Si tu m'aimes encore Si tu m'aimes encore Si tu m'aimes encore
Parle moi mon amour, parle moi Si tu m'aimes encore Pose ta main sur ton coeur Si tu m'aimes encore Regarde vers le ciel Si tu m'aimes encore Répond moi mon, amour, répond moi Si tu m'aimes encore Les moments de sommeil qu'on attend dans la nuit Quand on reste éveillé pour déjouer l'ennui Je ferai un autre tour de magie
Si tu m'aimes encore
Tatouage
Je cache sous ma peau ma peine en tatouage Comme si mon corps avait pris en otage Toutes les larmes arrivant des nuages Je porte dans ma voix l'amour que j'ai pour toi Comme une mère rassurant son enfant Où que tu sois, elle raisonnera
Mais souviens-toi de moi De mes rires, de mes joies Emporte-les là-haut si tu t'en vas Mon amour dessiné à l'encre sous ta peau te protégera
Je garde sur mon coeur la mort en tatouage Même si mes peurs m'apprenaient leur langage Je chérirai cet étrange héritage Je garde dans mes mains chacun de tes sourires Pour les matins où je n'pourrai plus lire Dans la lumière ce que dit mon destin
Mais souviens-toi de moi De mes rires, de mes joies Emporte-les là-haut si tu t'en vas Mon amour dessiné à l'encre sous ta peau te protégera
La forêt des mal-aimés
Dans la forêt des mal-aimés
À vous mes chers mal-aimés, à vous Qui avez rêvé de terres un peu moins brûlées, à vous Qui êtes venus jusqu'ici, jusqu'à moi Cueillir le fruit du regret délaissé Dans la forêt des mal-aimés
Dans la forêt des mal-aimés Chaque arbre est un membre oublié Chaque feuille, une âme délaissée Dans la forêt des mal-aimés Comme il fait bon s'y promener
Mais pourquoi donc êtes-vous venus Dans cette forêt aux coins perdus Où les murs tapissés de fleurs Ne font que rappeler le malheur? Mais pourquoi donc êtes-vous venus Dans cette forêt aux coins perdus?
Venez à pied ou à dos de corneille Venez vite boire le liquide vermeil Venez vous saouler de blanchi sommeil Ici, c'est sûr, tout ira moins que bien Si vous osez suivre le chemin
Mais pourquoi donc êtes-vous venus Dans cette forêt aux coins perdus Où les murs tapissés de fleurs Ne font que rappeler le malheur? Mais pourquoi donc êtes-vous venus Dans cette forêt aux coins perdus?
Deux par deux rassemblés
Celui qui était fort hier Ne sera que poussière demain Malgré la grandeur des refrains Et malgré l'arme qu'il a à la main
Tout ce qui monte redescend Celui qui tombe se relèvera Si aujourd'hui je pleure dans tes bras Demain je repartirai au combat
Non, ce n'est sûrement pas de briller Qui nous empêchera de tomber Non, ce n'est sûrement pas de tomber Qui nous empêchera de rêver
Ce qui reste à jamais gravé Dans tous les cœurs disloqués N'est pas objet qui ne pense qu'à briller Mais plutôt tout geste de vérité
Demain nous donnerons nos armes En offrande à Notre-Dame Pour ces quelques pécheurs sans âme En échange des ornements de nos larmes
Non, ce n'est sûrement pas de briller Qui nous empêchera de tomber Non, ce n'est sûrement pas de tomber Qui nous empêchera de rêver
Même les yeux, le cœur aveuglés Par l'alcool de sang troublé Par le frère de l'huître scellée Bien droit, nous continuerons à marcher
Une fois deux par deux rassemblés Nous partirons le poing levé Jamais la peur d'être blessés N'empêchera nos cœurs de crier
Non, ce n'est sûrement pas de briller Qui nous empêchera de tomber Non, ce n'est sûrement pas de tomber Qui nous empêchera de rêver
Qu'en est-il de la chance?
Les oiseaux se meurent Au pays des fleurs de la transe Les oiseaux se meurent Qu'en est-il de la chance?
Les oiseaux se meurent Par le coup de la lance Les oiseaux se meurent Qu'en est-il de la chance?
Qu'en est-il de la chance? Des jours ensoleillés Des amours de vacances Pour les cœurs abimés
Qu'en est-il de la chance? L'aurait-on oubliée Quelque part par méfiance Par mauvaise volonté?
Les oiseaux se meurent Au pays des fleurs de la transe Les oiseaux se meurent Qu'en est-il de la chance?
Pierre Lapointe
Place des Abbesses
Je vous emmène dans la fête Sur le carrousel où se violent les fous Au milieu des cris de la bête Vous noyer dans l'océan des gueux
Comme un cœur caché sous la graisse Au rendez-vous Place des Abbesses Les pigeons font semblant de sourire avant de nous déféquer dessus Venez tous vous lapider au rendez-vous Place des Abbesses Madame Coquille-vide sera votre hôtesse
Venez y mouiller vos joies et vos peines Les putains aussi veulent changer d'haleine Vous qui avez tant rêvé de jouir Vous qui avez tant voulu souffrir
Vous verserez sans doute une larme Au rendez-vous Place des Abbesses Toute chose a droit à sa dose de charme Même un endroit comme ça Ici, tous les égos se mêlent Ici, tous les ongles nous griffent C'est la marque d'amour De celui qu'on a détesté Couchons-nous sur le lit d'épines Bordons-nous de tendres caresses C'est ça l'ivresse de la Place des Abbesses
Oh! Emmenez-moi encore au rendez-vous Place des Abbesses Laissez-moi dévorer ces langoureuses femmes à barbe Parlez-moi encore de ces vieillards incontinents Ceux qui me parlaient d'autrefois Ceux qui me parlaient d'autres temps Moi qui ai tant rêvé de jouir Moi qui ai tant voulu souffrir
Moi qui ai tant rêvé de jouir Moi qui ai tant voulu souffrir
Je vous emmène dans la fête Sur le carrousel où se violent les fous Au milieu des cris de la bête Vous noyer dans l'océan des gueux
Le colombarium
J'ai tout léché les vitrines Bravant le columbarium Désormais, jamais plus Non rien, ni vent, ni personne Ne pourra m'empêcher de souffrir en paix De lécher les vitrines du columbarium
J'ai dégusté l'églantine ornant le columbarium Désormais, jamais plus Non rien, ni vent, ni personne Ne pourra m'empêcher de manger par la racine L'églantine décorant le columbarium
C'est un endroit presque magique Qui ravive notre instinct tragique Tout le monde est d'accord pour dire Que la mort est chic... Au columbarium
J'ai assemblé toutes les planches Placées au columbarium Désormais, jamais plus Non rien, ni vent, ni personne Ne pourra m'empêcher de dormir en paix De sommeiller dans la boîte du columbarium
J'ai exhibé mes péchés sur l'autel du columbarium Désormais, jamais plus Non rien, ni vent, ni personne Ne pourra m'empêcher de croquer la pomme D'aller pécher sur l'autel du columbarium
C'est un endroit presque troublant Brillant d'or, de noir et d'argent Tout le monde est d'accord pour dire qu'il est épatant
Tout le monde est passé pour passer Tout le monde a brûlé une parole Tout le monde a pleuré pour pleurer Au columbarium, au columbarium Au columbarium
Debout sur ma tête
Mon amour en devenir a choisi le pire Ce qui me faisait rire Ce qui me faisait jouir Ce qui me fait souffrir Ce qui me fait mourir
Qu'est-ce que tu dirais si j'étais debout sur ma tête? Comme un roi fatigué D'avoir toujours marché
L'eau qui coule sur mes doigts Comme une fleur carnivore Une fleur qui avale tout Qui avale tous les royaumes Même les plus beaux royaumes Même les plus grands royaumes
Qu'est-ce que tu dirais si j'étais debout sur ma tête? Comme un roi fatigué D'avoir toujours marché
Vous qui m'avez tout volé Volé tout mon royaume Allez-y, gardez tout Et faites-en un arbre sur qui on éjacule Des crachats de regrets
Qu'est-ce que tu dirais si j'étais debout sur ma tête? Crachant sur les passants Qui ne comprennent pas Qui ne comprennent pas Que je suis fatigué Fatigué de marcher Fatigué de souffler Pour chauffer mon royaume Mon bien trop beau royaume Mon bien trop grand royaume
Étoile étiolée
Pourquoi ne viens-tu pas t'étendre? Comme au temps où nous étions enfants Le bout du nez froid, l'âme tendre Tout s'est envolé avec toi
Depuis sortent de ma bouche immense Des milliers d'étoiles étiolées Qui, malgré moi, se répandent et rampent Comme les serpents des déserts mouillés
Mais que faire sinon que d'attendre La fin du froid du mois de décembre Mais que faire sinon que d'attendre...
Octogénaire
On vient d’enlever ma mère et ce serait, paraît-il De belles octogénaires condamnant les missiles S’adonnant au plaisir, au plaisir de la chair Toutes nues au milieu, au grand milieu des foules Mais que fera ma mère, ornée d’octogénaires Ne voulant que sa chaire? Apprendra-t-elle ces gestes, ces manies et ces tiques Qui riment avec l’amour du sexe de ma mère? Me trouverai-je par terre à me battre à genoux À frapper ces grands-mères Celles qui m’ont volé ma mère?
Que diront les voisins, les journaux et les hommes Qui ont souvent touché le sexe de ma mère? Qui viendra me border le soir à mon coucher? Moi qui ai tant de peurs, moi qui ne fais que pleurer Peut-être l’aimera-t-elle, cette façon d’être belle Cette façon d’être à elle, elle cette fausse pucelle Qui dévalise les banques, qui vole les mamelles Comme on prend un oiseau, comme on tue l’hirondelle
Que ferai-je de l’enfant conçu de l’intérieur Qui restera de là, qui a le front malheur À l’heure des Anglais qui ne savent même pas Que je suis existant L’autre côté des mers L’autre côté des cieux Acier parmi les dieux Sans droit d’être debout Restant là rayonnant à lire et à compter Comme un enfant d’école Comme un enfant créole aux mamelles d’argent Que l’on a laissé briller, étendu, esseulé comme une Pièce au soleil
Que diront les voisins, les journaux et les hommes Qui ont souvent touché le sexe de ma mère? Qui viendra me border le soir à mon coucher? Moi qui ai tant de peurs, moi qui ne fais que pleurer Peut-être l’aimera-t-elle, cette façon d’être belle Cette façon d’être à elle, elle cette fausse pucelle Qui dévalise les banques, qui vole les mamelles Comme on prend un oiseau, comme on tue l’hirondelle
Reine Émilie
Mais c'est l'hermaphrodite Celui de l'acolyte Celui qu'on ne voit pas Celui qu'on ne plaint pas Celui qui, sur la route S'en va, coûte que coûte Dans la voiture dorée de celui qui paiera Oh! Madame la Reine Dites-moi : «Qu'avez-vous Sous vos jupons dorés Vos sous-vêtements laqués? Est-ce vrai que jamais Personne n'a pu voir Si de l'homme ou la femme Vous avez les attraits?»
On ne sait que faire Pour voir l'entrejambe d'Émilie Vous ne seriez pas déçu Non, vous ne seriez pas déçu
Mais Madame Émilie dégage des odeurs Qui ravivent les ardeurs Qui vous montent jusqu'au cœur Tellement que, homme ou femme Personne n'y résiste Tout le monde tombe sous le charme de Madame Émilie
On ne sait que faire Pour sentir l'entrejambe d'Émilie Une odeur de cannelle Agrémentée de camphre
Mais Madame Émilie a des millions d'enfants Qualifiés de mutants, cause d'un sexe atrophié Et Madame Émilie est très grassement payée Pour porter la semence de ces tiges humectées
On ne sait que faire Pour acheter un enfant d'Émilie Est-ce un garçon, une fille? Ça Nous ne le saurons jamais
Mais la mode se passe Et l'ambiguïté reste Et Madame Émilie est déjà démodée Celle qu'on appelait la Reine Devenue moins que rien Elle s'en ira mourir En attendant le pire
Vous
À vous qui m'avez volé mes plus belles années À vous qui m'avez volé mes amours d'adolescence À vous qui avez fait que j'ai tant pleuré pour ce détail au fond si banal pourtant
J'essaie de croire que la vie fait bien les choses Mais cette chose-là, elle l'a ratée C'est pourquoi je ne peux vous regarder sans me dégoûter de par la cœur Sans me dégoûter de par le bouche De m'être senti de trop
De m'être senti de trop Je sais que toute laide chose se passe Mais en attendant, j'attends J'attends
J'attends toujours que les discours reviennent rapiécer les cœurs J'attends toujours que les discours reviennent tapisser de fleurs Ces moments que je garderai comme un grand souvenir troué Et j'attends, et j'attends, et j'attends...
Tel un seul homme
Et si je vous disais que même au milieu d'une foule Chacun, par sa solitude, a le cœur qui s'écroule Que même inondé par les regards de ceux qui nous aiment On ne récolte pas toujours les rêves que l'on sème
Déjà quand la vie vient pour habiter Ces corps aussi petits qu'inanimés Elle est là telle une déesse gardienne Attroupant les solitudes par centaines...
Cette mère marie, mère chimère de patrie Celle qui viendra nous arracher la vie Celle qui, comme l'enfant, nous tend la main Pour mieux tordre le cou du destin
Et on pleure, oui on pleure la destinée de l'homme Sachant combien, même géants, tout petits nous sommes
La main de l'autre emmêlée dans la nôtre Le bleu du ciel plus bleu que celui des autres On sait que même le plus fidèle des apôtres Finira par mourir un jour ou l'autre
Et même amitié pour toujours trouver Et même après une ou plusieurs portées Elle est là qui accourt pour nous rappeler Que si les hommes s'unissent C'est pour mieux se séparer
Cette mère marie, mère chimère de patrie Celle qui viendra nous arracher la vie Celle qui, comme l'enfant, nous tend la main Pour mieux tordre le cou du destin
Et on pleure, oui on pleure la destinée de l'homme Sachant combien, même géants, tout petits nous sommes
Car, tel seul un homme, nous avançons Vers la même lumière, vers la même frontière Toujours elle viendra nous arracher la vie Comme si chaque bonheur devait être puni
Et on pleure, oui on pleure la destinée de l'homme Sachant combien, même géants, tout petits nous sommes
Plaisirs dénudés
Je sais que, comme les autres, tu ne resteras pas Je sais que, toi aussi, tu partiras Mais quand même cette fois J'espère C'est pourquoi j'ai gardé au fond de mon cœur une lueur d'espoir En ton honneur Car il y a déjà longtemps que je monte Vers le haut des murs du malheur Que je tombe, je tombe en essayant d'aspirer le bonheur Celui que j'ai laissé trop souvent Celui que j'ai brûlé de mes 20 ans En me disant, comme un pauvre imbécile : «Demain, je serai bien plus heureux demain»
Et je donne des noms au Soleil, à la Lune En espérant que demain plaisirs dénudés Regards frissonnants reviendront pour m'habiter Pour alléger la lourdeur des jours à traîner Et je danse, je danse sur les mêmes rythmes barbares Et je pleure, je pleure en m'assurant qu'il est déjà trop tard Trop tard pour le bonheur éternel Trop tard pour le grand pays des merveilles En me répétant, comme un pauvre imbécile : «Demain, je serai bien plus heureux demain»
Au paradis des billes
Ceux qui n'iront pas à la mort Ceux qui s'endorment dans les ports Qualités d'étranges éternels Un jour ils replieront leurs ailes Deux par deux, ils s'enfonceront De par-dessous les pieds tapant Pour crever les yeux, les pupilles Dans le grand paradis des billes Ceux qui s'endorment sur la belle Ceux qui, les joues de rouge à lèvres Oublient de présenter la chaire Oublient de mouler les cheveux Et même malgré la tristesse Des grands regards qui les blessent Au milieu du verre d'une bille Les garçons regrettent les filles Celles qui ont fait sonner les cloches Celles qui ravivent la belle époque Oublient de rapiécer la robe Oublient de mouler les cheveux Adieu à vous, les femmes jalouses Vous que j'aurais prises pour épouses La bouche et les yeux déchirés Par les amants dépossédés Vous qui partez sur l'Atlantique Pour les soleils primés d'Afrique Vous qui, toujours les mains glaciales Délaissez les caresses fatales Mort à vous, tous les hommes jaloux Vous qui mourez de par les loups La bouche et les yeux déchirés Par les amantes possédées J'irai au paradis des billes Brûler les trois mille souvenirs Des trop belles et trop grandes filles Que je n'aurai jamais volées Et même malgré la tristesse Des grands regards qui me blessent Mains prises, je m'enfoncerai Dans le grand paradis des billes Au paradis des billes Les hommes sont jupons Les douleurs sont teintées De dentelles et de rires Malgré la main de l'autre De trop près similaire De couleur de jonquille Moi, j'ai les yeux qui brillent
Pointant le nord
Quand je pense à hier Quand je pense à demain Quand je ferme mes yeux Jusqu'au petit matin Quand je couche mon corps Tête pointant le nord Et que je sens mon dos Rappelant le troupeau
Quand les funérailles de ballet Là où les gens bâillent en anglais Font que même la vieillesse, empreinte de paresse Finit par doubler le masque d'Orphée
Quand l'hypocrisie est de mise Entre la peau et la chemise Que la rivière coule Et que tout déboule Malgré le sang et les dents qui cassent
Non, je ne parlerai pas Non, je ne parlerai pas
Car il y a une rivière Qui a poussé entre nous Même si la terre toute entière ferme les yeux et s'en fout Et si un jour tu y plonges Moi, j'y plongerai avec toi Pour noyer dans la pénombre La grandeur de nos ébats
Et si la terre tout entière Se met à rire de nous Nous leur lancerons des pierres Pour grafigner nos genoux Mais non jamais, mais oui je sais Que je ne parlerai pas Bouche gelée jusqu'à ce que nos deux corps soient enterrés
Alors non, je ne parlerai pas Non, je ne parlerai pas
Pour toutes les grand-mères de la terre Celles qui partiront dans le vent Celles qui partiront pour la guerre Armées d'enfants J'ai rongé les sabots de l'âme Pour oublier que l'on oublie Toutes ces obscénités qu'on a préarrangées Que même un pape outré ne pourrait condamner
Alors non, je ne parlerai pas Non, je ne parlerai pas
Hyacinthe la jolie
Ferme-la, je n'veux pas Savoir pourquoi, encore Tu as ri et chanté Avec d'autres que moi Moi, j'étais seul avec Mes défauts et les rats Qui dansaient sans arrêt Entre mes pas
J'ai parlé aux aïeux Eux aussi m'ont dit Qu'ils se sentaient Un peu trop esseulés Ces temps-ci Toi, tu pars et T'envoles comme L'enfant qui rigole Aussi vif et léger Qu'un regard égaré
Vas-y, pars ; oui, va-t'en Va manger à la table De Hyacinthe la jolie, qui M'a déjà couché dans son lit Au milieu des allées De vent froid arrivant Directement du futur passé
Sur la terre délaissée Mes souvenirs ont poussé Nourris par les rayons Du soleil et l'odeur du fumier Je n'ai rien oublié Je n'ai rien amplifié Pour moi, tout est trop clair Tout est trop bien gravé
Chers camarades, oh! Dites-moi Que suis-je devenu? Moi, votre enfant perdu car Seul, je frissonne Mais, pour personne Je ne peux oublier Ces cadeaux du passé
Ai-je vieilli trop tôt? Ai-je vieilli trop tard? Suis-je encore pris Entre la jeunesse et L'adulte éprouvé? Tous ces rêves Toutes ces joies Que j'avais en étant Près de vous, chez Hyacinthe la jolie
Tout, j'ai tout emballé Tout emmagasiné Pour vous avoir près De moi le jour où Je m'en irai, au-dessus Des nuages, quand pour moi Arrivera la dernière ligne La dernière page...
Chers camarades, oh! Dites-moi, que suis-je devenu? Moi, votre enfant perdu car Seul, je frissonne Mais, pour personne Je ne peux oublier Ces cadeaux du passé